Chaque année semble plus dense que la précédente en terme de sorties et de nouveautés, d’opportunités de découvertes et de créativités, tant les outils facile d’accès permettent au plus grand nombre de mettre la main au clavier, pour donner vie à des idées.
Très souvent, ça ne donne rien, un projet avorté, un brouillon jamais terminé, un résultat bâclé, un imprévu fait d’abandon, une médiocrité technique, un raté prototypique, et j’arrête ici car j’ai encore une très longue liste autrement. Vous avez saisi le principe, je suppose.
Pourtant, parfois, il arrive que de cette masse informe émerge une silhouette, disgracieuse peut-être, néanmoins fort prometteuse. C’est dans cette catégorie que souvent je plonge avec délice, me couvrant d’immondices pour extraire la gemme brute, qui ne demande qu’un peu de lumière et d’exposition pour recevoir le doux martèlement de la reconnaissance publique, puis le succès commercial, clefs qui mènent alors à l’amélioration perpétuelle. Enfin, ça, ça dépend de la volonté des développeurs à faire de leur produit un beau bébé bien lustré tout brillant. C’est ainsi que sont nés Minecraft, Factorio, Terraria, et d’autres encore, aujourd’hui reconnus comme des fondateurs, des genres, au point où tout jeu qui arrive après doit souffrir la comparaison. Un jeu d’exploration avec des gros cubes que le joueur peut déplacer pour construire à sa guise ? Pfff, Minecraft blabla…
Alors, après cette pompeuse introduction, quel sera mon choix des meilleurs jeux 2019 ? Déjà, je veux me forcer à supprimer de la liste tous les jeux en accès anticipé, alpha, beta, prototype, sauf si c’est un jeu en perpétuel développement. Cas typique : Dwarf Fortress, il ne sera jamais « fini », mais il est tout à fait sain de le considérer comme tel. Les ajouts ne sont que des ajouts. Et puis, je me dois de faire une distinction supplémentaire. Pour la forme, je ne vais citer que des jeux natifs pour les PC Linux. Donc pas de WINE, Proton ou autres. Seulement des jeux natifs pour les PC Linux sortis en version « finale » en 2019.
C’est sans ordonnance, il n’y a pas de premier ni de dernier.
Steets of Rogue, juillet 2019
L’un des jeux les plus directement marrant de ces dernières années. Un roguelite avec un large choix de personnages uniques, chacun permettant d’approcher des situations similaires de manières radicalement différentes. C’est facilement comparable aux premiers GTA (ceux en 2D en vue de dessus) avec une dose de Deus Ex. Par exemple, disons que la mission est de récupérer un objet dans un coffre se trouvant à l’intérieur d’un bâtiment bien gardé. Un personnage pourra pirater le système d’aération pour empoisonner les gardiens, les obligeant à sortir pour respirer de l’air propre. À ce moment, il sera possible d’entrée par la porte alors déverrouillée, ou d’assassiner tout le monde pour être tranquille et ramasser la clef. Un autre personnage pourra simplement casser le mur, et accéder directement à la salle du coffre. Un autre aura l’occasion de frapper à la porte pour attirer un garde, et le convaincre d’aller voir ailleurs. Et pendant tout ce temps bien sûr, les éléments extérieurs vont perturber les plans. Policier en patrouille, raid de bandits, robot tueur qui cherche à atteindre le joueur, et d’autres joyeusetés. Ajouter un mode coopératif en ligne, délire garanti.
Rise to Ruins, octobre 2019
Un jeu transgenre, à la fois gestion de colonie, Tower Defense et God Like, en développement jouable depuis des années, et seulement récemment terminé (bien que toujours suivi et mis à jour). Le principe est de construire un village pour ses petits adorateurs, tout en les protégeant de la corruption, un mal qui dévore toutes les terres et envoie régulièrement des monstres manger les innocents villageois. C’est là qu’intervient la construction de palissades, de murs, de pièges, de tourelles, afinde fabriquer un labyrinthe dans lequel se perdront les créatures maléfiques. Si les colons sont contents, la jauge de pouvoir du joueur-dieu augmente, et lui permet d’utiler des sorts puissants. Pluie pour arroser les cultures, boule de feu pour détruire les slims menaçants, magie pour faire repousser les arbres, tout est là pour avoir le sentiment de réellement prendre soin des petits tas de pixels qui vous adorent. Il est aussi possible de jouer paisiblement pour alors se concentrer uniquement sur la gestion et la divinité. Définitivement un très bon jeu, que le développeur suit avec talent, attention et amour.
AI WAR 2, octobre 2019
https://arcengames.com/aiwar2/
Le studio Arcen Games est connu pour ses jeux mélant plusieurs concepts, prenant des risques, n’étant pas facile à décrire ou étiquetter. La meilleure définition de AI WAR 2, c’est que c’est la suite de AI WAR. Autrement, c’est un jeu de conquête spatiale façon 4X, de stratégie temps réel, de Tower Defense, et c’est vraiment aucun de ceux-là non plus. L’idée est que l’on joue en asymétrie contre le grand méchant, l’IA, qui considère l’humanité comme une menace mineure et négligeable. Si le joueur commence à vouloir repeindre la carte à la couleur de sa faction, l’IA aux ressources virtuellement illimitées vera l’humain comme une menace grandissante, et l’anéantira en quelques vagues de drones. Il va donc falloir avancer prudemment, choisir avec soin les secteurs à capturer, à ignorer, à éviter, pour explorer la galaxie à la recherche des serveurs principaux de l’IA. Là, il conviendra de frapper les points faibles presque furtivement, avant que les capteurs de l’IA ne décident que le joueur représente la menace majeure, et le pulvérise. Très dense et complexe, jouissif une fois que l’on commence à comprendre la richesse stratégique et tactique de la chose.
Project 5 Sightseer, août 2019
https://store.steampowered.com/app/655780/Project_5_Sightseer/
Un jeu d’exploration, aventure et construction, dans un monde ouvert immense qui promet plusieurs dizaines d’heures pour être traversé de bout en bout, sur des partie en solo ou en multijoueur. Donc, c’est comme ARK, Rust et consorts ? Un peu mais non. Ici, on est un véhicule qui débarque sur une planète presque vierge, et il faut dans un premier temps explorer les lieux pour trouver un point intéressant afin de fonder une colonie, et c’est essentiellement une question de ressources disponibles à proximité. Ensuite on exploitera les ressources d’abord en récolte directe via le laser de la tuture, puis en plantant des extracteurs, des turbines, capteurs solaires, et tout le tralala. Par la suite, des drones plus ou moins automatisés viendront prêter main forte, et d’autres colonies pourront être établies plus loin pour capter d’autres ressources. Entre les colonies, des routes commerciales pourront se développer. Le côté sci-fi sans humain, uniquement des véhicules drones, donne au titre un goût particulier, et l’exploration qui est grandement mise en avant est soutenue par une direction artistique et des environnements très propres qui invitent à aller toujours plus loin.
Nowhere Prophet, juillet 2019
Un roguelite à cartes, dans un univers original post-apocalyptique , avec de nombreuses possibilités et combinaisons entre les cartes. Les combats en face à face opposent un groupe de rescapés plus ou moins humains, et des bêtes ou des machines ou des bandits ou des mutants ou tout un tas d’autres adversaires qui n’ont visiblement pas envie de laisser passer le groupe. Les points forts du jeu sont sa direction artistique marquée et les terrains de duel, offrant des situations variées faisant appel au sens tactique du joueur. Sur deux ou trois colonnes, il faut gérer le positionnement des troupes, et protéger le chef. Privilégier le nettoyage du terrain, ou l’attaque direct du dirigeant adverse, la protection de la matriarche ou le placement d’unités offensives, aura des conséquences à long terme. Les troupes blessées trop souvent seront supprimées du paquet, le morale baissera, la faim tiraillera les estomacs, et l’arrivée au prochain village ne sera peut-être pas un soulagement.
Gladiabots, mai 2019
Combat de gladiateurs en arène, sauf que les gladiateurs sont des robots programmable qui ne font que ce que le programme demande. Au départ on pourra se contenter d’un « tir sur la cible la plus proche », puis très rapidement, la situation de l’arène forcera à l’évolution. Par exemple « si telle classe de robot avance à telle distance et tire sur un allié qui porte un cristal et se déplace vers l’objectif, alors utiliser un bouclier et se déplacer à telle distance pour protéger l’allier ». Tout se fait par l’intermédiaire d’une interface visuelle très intuitive, et même ceux qui ignorent tout de la programmation arriveront à passer les premiers niveaux. Ensuite, direction la compétition, par match indirect. Puisque les robots sont programmés, le joueur n’intervient pas du tout pendant un combat. De fait, en multijoueur, entre amis ou en ligue, il suffit de planifier un match, et revenir plus tard lorsque le résultat est connu. Les premiers programmes de quelques ordres linéaires se transforment à haut niveau en arbres complexes de plusieurs dizaines voire centaines d’ordres circonstanciel, ce qui donne une durée de vie, une rejouabilité, et une marge d’apprentissage, énormes.
Fantasy Strike, juillet 2019
On a ici un jeu de combat en 1 contre 1, en 3D sur un seul plan (2.5D si on veut). En plus d’avoir des personnages originaux, d’être très coloré et joli, le jeu est également très technique par ses choix de simplification. Par rapport aux « classiques, ici on trouve moins de coups, un système direct de points de vie en lieu de barre de santé, on ne peut pas se baisser… A priori apauvri, alors que justement, cela fait que tout est très réactif et lisible. Le jeu est taillé pour la compétition, tout en étant une excellent porte d’entrée pour les novices.
Je veux citer rapidement le déjà très connu Pathfinder Kingmaster (https://owlcatgames.com/), dont la Enhanced Edition est sortie en septembre 2019, un jeu de rôle et d’aventure aux combats en temps réel avec pause active, PKEE est un gros et grand titre, dans lequel on embarque pour un long voyage. Puis, deux cas particuliers en développement perpétuel. Le premier est un jeu de stratégie en temps réel à grande échelle : Zero K (https://zero-k.info/). Il est l’un des meilleurs « Total Annihilation -like » jouables aujourd’hui, tout simplement. Le second, c’est peut-être mon jeu favori de l’année, et de la décénnie, celui que je relance « juste pour voir » depuis les années 2012, et auquel j’ai encore joué le mois dernier : ce n’est pas Dwarf Fortress, non, c’est Cataclysm Dark Days Ahead (https://cataclysmdda.org/). Toute catégorie confondue, tout support, toute date, c’est probablement le « jeu de survie » le plus complet qui existe à ce jour.
Enfin, cette sélection est basée sur les filtres annoncés en introduction. Si j’osais, je conclurais sur Astrox Imperium (http://astroximperium.com/), un jeu d’exploration et exploitation spatiale, très fortement comparable à Eve Online, mais en solo. C’est probablement la surprise de dernière minute (découvert en décembre pour moi), dont je suis avec impatience le développement, et l’arrivée prochaine sur Linux en natif (je joue à l’alpha via Proton). C’est fait par un seul gars, et c’est le jeu « au plus fort potentiel » que j’attends pour 2020. À moins que ce ne soit Vintage Story (https://www.vintagestory.at/), un Minecraft-like vachement mieux et pas pareil, mais vraiment il va falloir que je m’arrête…
J’espère aussi en bonus que cette petite sélection montre que jouer sur Linux, ce n’est pas jouer qu’à des jeux moches. On voit trop souvent des listes « Best Linux Games » avec que des jeux OpenSource style Super Tux Cart, FreeCiv, Xonotic, qui sont certes très bien, mais non, Linux ce n’est pas que ça.
Salut Tchey, ^_^
Merci pour cet article bien écrit et donnant plein de bonnes envies ludiques ! Et toute en natif GNU/Linux, bien entendu. ^_^ J’essayerai d’en tester l’un ou l’autre dans les mois qui viennent. ^_^
Je suis bien content aussi de te retrouver sur ce média. Un bon moyen de continuer à bénéficier de tes recherches, expériences et points de vue sans devoir regarder de vidéo. Cela me plaît bien ! ^_^
Je vais de ce pas partager ta rétrospective sur mes réseaux sociaux. ^_^
À bientôt,
Yliek « De l’Attaque du Manchot » K. —