La version plateau, la vraie en carton, est sortie début 2013 dans nos contrées. Terra Mystica vient des cerveaux allemands de Jens Drögemüller et Helge Ostertag, et est réputé pour être très dense. Une boite bien lourde, pleine de beaux jetons en couleurs, de cartes, de fiches, de marqueurs, qui globalement ravie les amateurs du genre. Mais pas tous !
En effet, le jeu est critiqué par ses détracteurs pour sa froideur (peu d’interactions entre les 2 à 5 joueurs que réunie une partie pendant 1 à 2 heures), son côté fourre-tout (beaucoup de « et puis aussi ça » différents), et surtout sa surcouche de mécanismes qui ne sert pas vraiment ni l’amusement, ni la cohérence du jeu.
Bref, Terra Mystica serait un jeu faussement complexe et profond, et bel et bien compliqué et imposant (une grande table est nécessaire).
La version numérique est disponible sur Steam depuis juin 2017 au prix de 14€99 (contre environ 50€ pour la version physique), sur Windows, Mac et Linux. Le jeu étant un succès d’estime tout autant que commercial, il a été traduit notamment en anglais, espagnol, russe, chinois, japonais et français, et les règles ont été simplement injectées dans la version informatisée, développée par DIGIDICED.
http://digidiced.com/terra-mystica/
http://store.steampowered.com/app/628900/Terra_Mystica/
Premier constat, hélas, Terra Mystica est aussi disponible pour les systèmes Android et iOS. Pourquoi hélas ? Parce que l’interface PC est basée sur celle des téléphones. Gros boutons et textes énormes sont donc au rendez-vous.
Deuxième constat, le tutoriel est assez confus, et suppose que vous connaissiez au moins un peu le jeu de plateau. Or moi, non, je n’ai jamais joué à la mouture palpable de ce jeu. J’ai beaucoup mieux compris les règles en regardant une vidéo sur la version physique, qu’en terminant le tutoriel.
Troisième constat puis j’arrête de faire des constats : une fois passée l’horreur du menu principal, c’est très mignon. Les effets sonores sont rares et discrets, et la musique n’intervient vraiment que sous forme de quelques notes identifiants la factions qui joue, mais c’est plaisant, et n’oublions pas que c’est un jeu de plateau, pas un jeu d’action ou d’aventure héroïque.
Le portage sur nos PC est un peu gâché par le côté « format tactile », tout en étant heureusement agréable une fois passé un temps d’adaptation. Quelques (rares) coquilles en anglais comme en français – et probablement dans les autres langues aussi – piquent les yeux. Plus grave, un bug (une seule fois) m’a fait perdre une partie en cours : l’IA s’est bloquée, et après 10 minutes à mouliner, j’ai forcé l’arrêt du processus.
Notez aussi que la version informatique supprime toute la partie calcule et distribution des ressources, qui peut ralentir le rythme de la version physique. Ici l’intérêt de l’automatisation du processeur sur le cerveau est tout vu. Non que ce soit « difficile », seulement « fastidieux ».
Je vous conseille cette explication très claire et détaillée des règles, en français, sur la chaîne YouTube « Videoregles.Net » : http://www.youtube.com/watch?v=xilzC-j3q-c
Sachez cependant que Terra Mystica est un jeu de gestion et de construction d’empire immobilier, dans un univers « médiéval fantasque sérieux » (sorcière sur balai, gnome ingénieur, géant malhabile, sorcier du chaos…). Un plateau composé d’hexagones terrains (désert, forêt…) représente la carte du territoire jouable. Les joueurs choisissent une factions dans un vaste choix : 7 couleurs différentes, avec 2 factions par couleur (exemples, désert jaune : les nomades et les fakirs, marais noir : les ombrelins et les alchimistes), pour un total donc de 14 factions, toutes sensiblement identiques, et en même temps sensiblement différentes.
Une fois ce choix fait, le joueur doit placer deux premières habitations sur la carte, sur une case de sa couleur uniquement. Il doit par la suite terraformer son voisinage pour étendre sa ou ses villes, et faire évoluer ses habitations en comptoirs, temples, forteresses et sanctuaires. Différentes ressources entrent en jeu pour ce faire : des travailleurs, du pouvoir, des pelles, des prêtres.
En plus de l’aspect immobilier, l’aspect spirituel ne sera pas à négliger, avec 4 écoles magiques à vénérer. À vénérer seulement, car ici, pas question d’envoyer des boules de feu, des tourbillons d’air, des tremblements de terre, des vagues d’eau. Non. On n’enverra que ses prêtres en pèlerinage afin de grappiller du pouvoir.
Ajoutons à cela des cartes spéciales, et vous avez votre tas d’objectifs à suivre pour accumuler des points de victoires. Une partie se joue toujours en 6 manches, découpées chacune en 3 phases. Récolte, pour gagner les ressources qui nous reviennent. Action, pour décider de que faire cette fois-ci. Résultat, pour appliquer les effets éventuels.
En fonction de cartes d’événements, les conditions d’obtention des points de victoire vont varier. Placer une habitation, envoyer un prêtre en pèlerinage, construire un pont, améliorer sa capacité à terraformer… peuvent ainsi valoir peu, ou beaucoup, de points, et l’un des choix à faire sera de décider de la pertinence de telle action à tel moment de la partie. Un aspect que je trouve excellent est l’absence presque total du hasard dans une partie. On doit bien parfois piocher un événement, mais c’est tout. Il n’y a pas de « mains cachées » des autres joueurs, pas de lancé de dès, la seule pioche se fait dans une pile très limitée d’une dizaine de cartes. C’est assez rare, et c’est ici bien fait.
Finalement, je me suis senti un peu écrasé par la mécanique du jeu, plutôt que par les règles a proprement parler. Sans avoir un avis tranché sur la question, je trouve Terra Mystica un peu « trop trop », ce qui en soit n’est pas un soucis, mais pour pas beaucoup finalement. J’ai parlé dernièrement d’un autre jeu de plateau, Axes and Acres, d’une très grande simplicité, et qui m’a pourtant séduit d’avantage. Un autre vrai jeu de plateau que j’ai présenté, Mage Knights, est aussi d’une grande complexité, tout en ayant un souffle épique que n’a pas Terra Mystica.
Terra Mystica n’est assurément pas un mauvais jeu. Il est cependant parfois encombrant bien que très fluide, et peut-être surtout, un peu prétentieux. Un bon jeu de plateau, froid. Au final s’il faut que j’en ai un, mon avis est mitigé tendance positif.